La Double demande d’asile et de titre de séjour: cas du titre de séjour mention  » profession libérale ou Auto-entrepreneur ».

LOI n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, codifiée au CESEDA aux articles L. 311-6 et L511 précise les conditions de double demande d’asile et de titre de séjour.

La possibilité d’une double demande a été confirmée par une jurisprudence du Tribunal administratif de Nantes en de termes suivants: « ni les dispositions de l’article L. 311, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’ont pour objet ou pour effet de faire obstacle à ce que l’étranger dont la demande d’asile est en cours d’examen ne sollicite la délivrance d’un titre sur un autre fondement ». (TA de Nantes 11/03/16, n° 1509515; TA de Nantes 23/05/16)

Ce régime se veut donc aussi applicable à tout demandeur d’asile estimant remplir les conditions d’obtention d’un titre de séjour portant la mention  » profession libérale ou auto-entrepreneur » en respectant certaines conditions (I) même si l’effectivité de la mise en œuvre de ce droit reste problématique (II).

I- LES CONDITIONS DE LA DOUBLE DEMANDE:

A- les délais:

L’article L. 311-6 du CESEDA accorde un délai de deux mois à tout demandeur d’asile estimant remplir les conditions d’obtention d’un titre de séjour afin de lui permettre de déposer sa demande à la préfecture. Ce délai court à compter de l’enregistrement de sa demande d’asile plus précisément à compter de la délivrance de l’information écrite au moment de l’enregistrement de sa demande d’asile au guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA) (CESEDA, R. 311-38).

B- les conditions de fond:

A l’exception de certains documents qui ne sont pas exigés lors du dépôt uniquement de la demande ( exemple du passeport qui sera quand même exigé pour le retrait du titre de séjour) parce qu’il s’agit de demandeur d’asile, les conditions à remplir sont identiques à celles exigées pour la délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale telles que définies à l’article L 313-10 du CESEDA.

Aussi la cour administrative d’appel de Bordeaux a-t-elle jugé que « lorsque l’étranger est lui-même le créateur de l’activité qu’il vient exercer, il lui appartient de présenter à l’appui de sa demande les justificatifs permettant d’évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée. Lorsque l’étranger n’est pas le créateur de l’activité qu’il entend exercer, il lui appartient de présenter les justificatifs permettant de s’assurer de son effectivité et d’apprécier la capacité de cette activité ou de cette entreprise à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein »  (CAA Bordeaux, 2e ch., 17 oct. 2017, n° 17BX01502.)

Bien que ce ne soit pas un critère visé par la loi, l’administration exerce son contrôle sur l’adéquation qui existe entre le projet et les qualifications ou l’expérience professionnelle. (CAA Lyon, 6e ch., 1er mars 2012, n° 11LY00705 CAA Paris, 1re ch., 11 févr. 2016, n° 15PA00805).

II- UNE MISE EN ŒUVRE DIFFICILE :

Les difficultés à mettre en œuvre les articles L 311- 6 et L 511 du CESEDA restent patentes. L’application de ces articles se heurte à plusieurs écueils que nous énumèrerons mais qui ne sont pas exhaustifs :

  1. Les délais :

Les délais sont très courts compte tenu de l’importance des pièces exigées pour justifier de viabilité économique d’un projet (bilan prévisionnel, étude du marché, business plan…) art. R. 313-16-1 CESEDA

La Cour Administrative d’Appel de Paris a jugé que la présentation d’un seul bilan prévisionnel ne suffit pas et il appartient au demandeur d’apporter des éléments précis et circonstanciés concernant les éléments constitutifs des besoins et du projet ainsi que la stratégie commerciale.  (CAA Paris, 5e ch., 26 janv. 2017, n° 16PA02082)

En plus, le préfet peut s’appuyer sur des éléments objectifs tels que l’environnement concurrentiel pour apprécier la viabilité d’une création d’activité. (CAA Lyon, 4e ch., 21 avr. 2016, n° 15LY02102)

  1. Les démarches au sein des préfectures :

  • Les demandeurs d’asile ne sont toujours pas informés conformément aux exigences légales soit en raison des négligences des agents de la préfecture soit en raison des barrières de la langue. Les documents d’informations des demandeurs d’asile non seulement sont rarement traduits dans les langues et dialectes couramment parlés dans leurs pays d’origines, mais en plus ils leurs sont souvent transmis sans explications orales. cf. ANAFE « aux frontières des vulnérabilités » – rapports d’observations des zones d’attentes 2016-2017, p.8 et suiv.

  • La méconnaissance de la procédure de la double demande d’asile et de titre de séjour en général par les agents de la préfecture est source de difficultés rencontrées aux guichets.

  • Les demandeurs d’asile ne sont pas à l’abri d’un dépassement des délais d’enregistrement de leur demande en raison de la difficulté d’obtenir un rendez-vous pour le dépôt de leur dossier. Les procédures par voies postales qui ont été mises en place afin de remédier à cette difficulté ne sont pas effectives.

Pour de amples renseignements vous pouvez prendre contact avec le cabinet.

Maître Berthe BIANGOUO-NGNIANDZIAN KANZA