N°1913419

M. Olivier Rousset

Président-rapporteur

Mme Cécile Roux

Rapporteure publique

Audience du 16 juin 2020

Lecture du 30 juin 2020

Code PCJA : 335-03

Code de publication : D

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise

(7ème chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 octobre et 24 novembre 2019, Mme G***** B**** M****** représentée par Me Biangouo-Ngniandzian- Kanza, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 27 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays d’éloignement ;

2°) d’enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B**** M****** soutient que :

S’agissant de la décision portant refus d’un titre de séjour :

    • elle a été prise par une autorité incompétente ;
    • elle est insuffisamment motivée et est illégale en l’absence d’examen particulier de sa situation ;
    • elle est entachée d’erreurs de droit et de fait dès lors que le préfet a estimé que le mariage coutumier n’est pas reconnu en droit français ;
    • elle est entachée d’erreurs de droit et de fait dès lors que le préfet a estimé qu’elle exerçait une activité professionnelle sporadique depuis son entrée en France ;
    • elle est entachée d’erreurs de droit et manifeste d’appréciation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont le préfet dispose ;
    • elle viole les dispositions du 8° de l’article L. 314-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    • elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    • elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant ;
    • elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

    • elle a été prise par une autorité incompétente ;
    • elle a été prise sur le fondement d’une décision illégale portant refus d’un titre de séjour ;
    • elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    • elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S’agissant de la décision fixant le pays d’éloignement :

    • elle a été prise par une autorité incompétente ;
    • elle est insuffisamment motivée ;
    • elle a été prise sur le fondement d’une décision illégale portant refus d’un titre de séjour ;
    • elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2020, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête de Mme B**** M******.

Il fait valoir que la requête n’appelle aucune observation de sa part.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

    • la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    • le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    • le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Rousset a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

    1. Mme B**** M******, ressortissante congolaise, née en 1970 demande l’annulation de l’arrêté du 27 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays d’éloignement.
    1. Sur les conclusions à fin d’annulation :
    2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
    3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B**** M****** est entrée en France le 30 octobre 2014 sous couvert d’un visa de long séjour et que sa résidence habituelle et continue sur le territoire national depuis lors n’est pas contestée par le préfet. Par ailleurs, la requérante justifie d’une communauté de vie avec M. Nseka Nzuzi Nsakala, compatriote qui bénéficie en qualité de réfugié politique d’une carte de résident et avec lequel elle a contracté le 7 juillet 1997 un mariage coutumier à Kinshasa ainsi que cela ressort de l’attestation, dont l’authenticité n’est pas contestée, établie par le bourgmestre de la commune de Ngri-Ngri. En outre, ainsi que cela ressort des certificats de naissance tenant lieu d’actes d’état civil émanant de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le couple est parent de deux enfants, Ornela et Christopher, nés en 1990 et 1999 qui vivent en France sous couvert de carte de résident. Enfin, l’intéressée démontre avoir eu une activité professionnelle entre 2015 et 2018, en qualité d’agent de service, ainsi que cela ressort des nombreux bulletins de paie, d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet conclu avec la société Héméra en décembre 2017 et des avis d’imposition au titre de ses revenus 2015 et 2017 produits. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine, en lui refusant la délivrance d‘un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été prise la décision de refus de séjour attaquée et méconnu ainsi l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’ensuit, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que l’arrêté attaqué doit être annulé.
    1. Sur les conclusions aux fins d’injonction :
    1. Il y a lieu, en application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, ou au préfet territorialement compétent, de délivrer à Mme B**** M******, une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu d’assortir cette mesure d’exécution d’une astreinte.
    1. Sur les frais liés à l’instance :
    1. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante, le versement de la somme de 1 000 euros à Mme B**** M****** en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : L’arrêté du 27 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine, ou au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B**** M****** une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera à Mme B**** M****** la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme G***** B**** M****** et au préfet des Hauts- de-Seine.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre.

Délibéré après l’audience du 16 juin 2020, à laquelle siégeaient :

    • M. Rousset, président ;
    • M. Raimbault, premier conseiller ;
    • M. Gualandi, conseiller ;

assistés de Mme Charleston, greffière.

Le président-rapporteur,

L’assesseur le plus ancien,

Lu en audience publique le 30 juin 2020.

SIGNE

G. Raimbault

La greffière,

SIGNE

D. Charleston

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.